« Qu'est-ce qu'elle fout là, elle ? » Gemma était installée tranquillement à son bureau lorsque son frère débarqua dans le loft qui servait de locaux à la petite entrerprise que Gemma et ses proches amis avaient crée quelques années plus tôt. Gemma posa un regard protecteur sur la jeune fille visée par les propos hargneux de son frère. « Papa m'a dit qu'elle avait besoin d'un boulot... » La jeune fille en question était en fait la demi-soeur de Gemma, issu du second mariage de Monsieur Dennings et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle n'avait jamais été très bien intégrée dans la fratrie Dennings. Gemma, lors de son adolescence, avait elle aussi été plutôt dure avec sa demi-soeur mais depuis quelques années elle essayait de se rattraper et offrir ce job de standardiste était l'une des façons de se racheter. « Tu ne crois pas qu'il est temps qu'on arrête de réagir comme des enfants ? Oui Papa s'est remarié et a eu un autre enfant mais c'était il y a vingt ans, passe au dessus bon sang ! » Le claquement de la porte fut sa seule réponse. Elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à son frère, les trois premiers enfants Dennings avaient détesté leur père et sa nouvelle famille pendant des années - sous l'influence de leur mère - ce n'est pas le genre de rancune qui s'oublie si facilement. Le regard posé sur sa demi-soeur, Gemma pouvait facilement voir que l'altercation l'avait quelque peu chamboulée. Elle était jeune et si son boulot n'était pas en jeu, elle se serait probablement rebiffée. « Clare ? Une patisserie, ça te tente ? » Gemma faisait beaucoup d'effort afin de créer un lien avec sa demi-soeur, chose pas si aisée que ça. Si Gemma avait la maturité d'oublier sa rancune d'enfant, ce n'était pas la même chose du côté de la plus jeune des Dennings; certes elle était reconnaissante pour le job mais de là à créer un lien fraternel, fallait pas éxagérer !

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Et la famille, ce n'était pas son seul souci malheuresement. « Qu'est-ce que c'est que  ce jaune ?! » Gemma travaillait pour l'une des plus grosses fortunes de Newport, elle était chargée de décorer un appartement du centre-ville pour le fils d'un sénateur. Gemma ne réalisait toujours pas la chance qu'elle avait, que sa petite entreprise ai été choisie par quelqu'un de si important, c'était incroyable et il ne fallait pas qu'elle fasse la moindre erreur comme ses collègues - et meilleurs amis accessoirement - n'arrêtaient pas de lui répéter. « Ce n'est pas jaune, c'est écru...Monsieur ! » Voilà un peu plus d'une semaine qu'elle travaillait dans cet appartement et le fils en question était odieux au possible et lui tapait sur le système.« Peu importe, je veux du gris sur les murs !» Il allait tourner les talons mais Gemma le rattrapa par la manche - tâchant par la même occasion le costume armani du jeune homme avec la peinture qu'elle avait sur les doigts - «  Vous voulez du gris ? Il y a une semaine, vous vouliez du taupe après cela de l'écru et maintenant du gris ?! Allez vous faire foutre ! » Elle pouvait entendre les autres personnes de son équipe retenir leur souffle, et elle regrettait déjà ses paroles. Elle savait que face à ce genre de personne, elle devait rester professionnelle et garder ses remarques pour elle mais elle n'avait pas pu. « Dîner ce soir et j'oublie ce que je viens d'entendre... » Gemma allait répliquer sans attendre lorsque sa meilleure amie - et collègue - pris la parole avant elle. « Elle accepte ! » Le regard noir de sa meilleure amie l'empêcha de répliquer quoique ce soit, le fils du sénateur quitta la pièce tout en souriant. « Gemma, on a besoin de ce boulot ! Une mauvaise critique et c'est toute l'entreprise qui coule ! Donc prend sur toi et va à ce dîner. » Un long soupir s'échappa de la gorge de Gemma.

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Le moins que l'on puisse dire c'est que Gemma ne se sentait pas à l'aise, elle avait emprunté une des robes de cocktails de sa grande soeur et une paire de talons qui la faisait horriblement souffrir. Un taxi l'avait déposée devant l'un des restaurants les plus prisés de Newport, son "bourreau" l'attendait paisiblement tout en fumant une cigarette, lorsqu'il la vit; il l'observa des pieds à la tête sans aucune discrétion. Gemma tenta un petit sourire, s'attendant à recevoir un compliment. « Génial, maintenant mes amis vont croire que vous êtes une escort ! » Son semblant de sourire disparu aussitôt, mais quel con ! A cet instant précis, elle détestait sa meilleure amie pour l'avoir conduit dans ce piège. D'un claquement de doigts, il l'invita à le suivre. Ils arrivèrent dans l'un des salons privés du restaurant, à l'intérieur un couple était déjà installé. Ils étaient chics et élégants, d'une prestance à vous couper le souffle...En effet, Gemma faisait tâche dans cet environnement de luxe. Le fils du sénateur se présenta face au couple, « Pardonnez notre retard, je vous présente...Grace.» Gemma serra timidement la main des deux personnes. Elle se mordit la lèvre afin de se pas rectifier son prénom. Le temps passa relativement lentement, Gemma n'était pas véritablement dans la discussion...On lui servit un verre de vin rouge qu'elle porta immédiatement à ses lèvres; le goût âpre et amer qui se diffusa dans sa bouche lui dessina une grimace sur son visage. Son rencard du soir la regarda en levant les yeux au ciel, « Grace est l'une des décoratrices engagées par mon père, je fais un peu de charité en la sortant ce soir. » « Cela explique beaucoup... » Les trois individus s'échangèrent des éclats de rire. Indignée, Gemma se leva brusquement et tourna les talons sans un mot. Tant pis pour son entreprise mais le peu d'amour propre qu'elle a, l'empêche de jouer à ce jeu plus longtemps.

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Sur les nerfs, Gemma décida de marcher un peu avant de prendre un taxi. L'air frais l'aidant quelque peu à se calmer. « Grace, attendez ! » Elle n'aurait pas dû réagir à ce prénom qui n'était pas le sien mais elle reconnut immédiatement la voix suave de son "bourreau" du soir. Elle s'avança vers lui tout en le menacant de son index droit. « Gemma ! Gemma c'est mon prénom ! » « J'avais au moins la première lettre, vous devriez être flattée... » Elle tapa nerveusement son pied par terre. « Crétin ! » Elle allait tourner les talons quand il l'attrapa par le bras et l'embrassa à pleine bouche. D'abord surprise, Gemma se laissa aller dans ce baiser innattendu. Plusieurs secondes s'écoulèrent et lorsque leurs lèvres se détachèrent, Gemma resta silencieuse observant le visage - qui lui semblait si parfait à présent - de son rencard du soir. « Tout le plaisir est pour moi ! » Le bref instant de magie s'évapore dès que cet idiot ouvrit la bouche. Il tapota la tête de Gemma avant de tourner les talons. La jeune femme restait incrédule pendant de longues secondes, elle se giflait intérieurement d'avoir été aussi stupide. Choquée, elle ne s'aperçut pas de la présence d'un photographe quelques mètres plus loin.

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Après ce dîner catastrophique, Gemma était restée enfermée chez elle pendant deux jours. Deux jours durant lesquels elle ne retourna aucun appel de ses amis et collègues. Elle se sentait totalement stupide et n'avait pas la force d'avouer sa bêtise à ses associés. Mais bon ils étaient une petite entreprise et elle ne pouvait se permettre d'être absente plus longtemps. Lorsqu'elle arriva au loft qui leur servait de bureau, Gemma fut ravie de voir qu'elle était la seule mais à peine avait-elle posée son sac sur son bureau que la porte s'ouvrit de nouveau. Sa demi-soeur l'observa pendant quelques secondes. « Gemma ! Comment vas tu ?» L'inquiétude de sa soeur la surprit. Elles n'étaient pas très proches même si Gemma essayait au maximum de créer un lien entre elles deux. « Ça va, ne t'inquiète pas. Juste un petit rhume... » Gemma n'avait parlé de la soirée à personne et elle avait pris deux jours en prétextant un rhume. « Donc ça n'a rien à voir avec le baiser échangé avec le fils du sénateur ? » Gemma renversa son sac au sol lorsqu'elle entendit les paroles de sa demi-soeur. Incrédule, elle fixa sa soeur sans savoir quoi répondre. « Je suppose que personne ne t'a prévenu...Il y a un article en ligne sur un blog local avec des photos... » Sa demi-soeur vint à côté d'elle et afficha la page du blog en question,  en phrase d'accroche au dessus de la photo o pouvait y lire "le fils du sénateur Heathcliff au plus près du peuple". Gemma ne survola que rapidement le reste de l'article, on y parlait d'une amourette cachée que le sénateur Heathcliff n'approuvait pas à cause du faible niveau social de Gemma et qui expliquait l'ascension récente de son entreprise de décoration. Il lui sembla que son coeur allait lâcher, de grosses larmes coulaient sur ses joues et sans savoir comment elle se retrouva dans les bras de sa demi-soeur. « Je suis là, Gemma. »

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Étonnement l'article de blog fit de la bonne publicité pour la petite entreprise de Gemma, sa meilleure amie se vanta d'ailleurs à maintes reprises d'en être à l'origine puisque c'est elle qui avait appuyé le dîner avec le fils du sénateur. L'article n'avait pas que des répercussions positives pour l'entreprise de décoration mais aussi pour les sondages du sénateur qui avait fait un discours pour démentir l'article - enfin la moitié seulement - en disant qu'il était très heureux pour son fils et que Gemma était une jeune femme tout à fait adorable. « Gemma, la publiciste du sénateur vient d'envoyer un email avec ce qui me semble être un contract.» Gemma survola les papiers que venait d'imprimer sa demi-soeur. « C'est une blague ?! » Quel genre de contrat était ceci ? Le sénateur Heathcliff proposait une grosse somme d'argent à Gemma en échange d'un jeu de rôle immonde. Prétendre filer le parfait amour avec son idiot de fils jusqu'aux prochaines élections... « Huit mois, ce n'est pas grand chose...Surtout que l'email nous fait bien comprendre que si tu refuse, notre entrerprise n'y survivra pas ! » « Ce sont des menaces, je ne plie pas aux menaces ! » « Sauf qu'il est question de l'entreprise là, donc on doit voter... » Toutes les mains de la petite équipe se levèrent pour en faveur du jeu de rôle, toutes sauf celle de sa demi-soeur qui semblait rester solidaire. Face à la pression de ses amis, Gemma signa ce stupide contrat et quitta le loft non sans claquer violemment la porte.
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