Tous les yeux étaient braqués sur le jeune homme, frigorifié, meurtri.
Le premier buffle le plaqua contre son casier. Le second le défigura. Complètement. C'est dingue, il n'y pensait plus, à ces deux là. Ceux qui ont fait des ses années lycée un véritable enfer. Ceux là étaient les pires jumeaux qui puissent y avoir sur terre. Même force: de vrais bourrins, bornés et intellectuellement diminués. La raison pour laquelle il pensait à eux était encore obscure, mais il était pratiquement certains que cela avait un rapport avec tous ces gens qui le détaillaient d'un air choqué. Madame, monsieur, votre fils est accusé d'avoir commencé une bagarre dans les couloirs de notre établissement par pas moins de cinq de ses camarades. Il titubait vers l'accueil de la clinique, essayant tant bien que mal de marcher droit. Il n'était pas du genre à se laisser abattre par quelques contusions, qu'elles mouchettent son corps ou non. Il ne pensait qu'à trois personnes. Spencer. Jake. Malo. Cou de taureau 1, cou de taureau 2, amour. Il ne pouvait s'empêcher de penser à la troisième et cette pensée le faisait tenir debout. Les deux autres n'hantaient que son esprit en ruines, aussi défiguré qu'il ne l'était à ce moment même. Il marchait, dans la rue, en sortant de son cours de danse, puis il fut interpellé par tout un troupeau décérébré Les pièces du puzzle s'assemblaient petit à petit, tout prenait forme, tout était plus clair. Mais ses yeux doucement étaient comme recouverts d'un voile. Le monde s'agitait autour de lui, mais il n'y voyait que du flou. Une brume trop épaisse pour discerner le visage des personnes qui l'observaient. T'es un PD, Mayfair. Et les PD, ça ne va pas dans les toilettes des mecs. D'un coup, tout était plus crépusculaire. Abstrait. Et un frisson parcourut son dos. Il était nu, là, au milieu de ce restaurant chinois. Nu et bien amoché. Une agression. Une autre encore. Mais

« Vous êtes de la famille ? » « Euhm, j'suis son petit-ami. » « Je suis désolé, monsieur, mais les visites sont uniquement autorisées pour les membres de la famille. » Le désespoir l'envahit soudainement. Il s'en était douté, de toute cette procédure, s'accrochant au mince espoir qu'on lui accorde ce droit de visite. Mais voilà, il n'était point de la famille, il était seulement son petit-ami. Sa mère était partie il y avait cinq ans de cela, et son père avait été le seul à répondre présent. Les paroles qu'il lui avait rapportés l'avait dévasté et impuissant, il s'était imaginé ce qu'avait enduré le danseur deux jours auparavant ; coups et blessures graves, le conduisant à l'agonie, alité à l’hôpital. Deux jours qui lui paraissaient être une éternité. Accoudé à un mur de la salle d'attente, il ruminait, son visage inquiété. Tout ce qu'il demandait, c'était seulement le voir, lui parler, le réconforter. Un instant, un regard, une inspiration, une réflexion et il leva le pied. Il avait étudié le plan de l’hôpital, il avait pris connaissance du numéro de chambre de Jade et d'un pas déterminé, il marchait à travers les couloirs. Quitte à avoir des ennuis, à se faire expulser de l’hôpital, il se serait battu jusqu'au bout. Gardant un œil attentif sur les employés de l’hôpital, trop affairés à leurs urgences, il continua son itinéraire jusqu'à arriver à la chambre de son bien aimé. Personne. Cependant, les fiches médicales accrochées au mur lui prévenait qu'il n'avait environ que quarante minutes avant qu'un médecin ne vienne passer dans sa chambre pour savoir si tout allait bien. Lentement, il ouvrir la porte, ne voulant guère déranger Jade dans son sommeil. A ses yeux, il était comme de la porcelaine, fragile, désirable et à protéger de toutes nuisances. Si un léger sourire se dessina sur l'étudiant, il ressentait une immense peine à le contempler. Défiguré, tatoué de bleus et de plaies, allongé, il semblait endormi. Une larme se glissa sur la joue de Malo qui l'essuya instinctivement d'un revers de manche, s'écriant « Bordel. » Il avait de la peine, il semblait blessé, mais il ressentait aussi de la haine, de la rage, à celui qui s'en était pris à lui, à plus faible, et qui l'avait rué de coups sans ménagement. Jade demeurait être un de ces êtres qui semblaient incapables de faire du mal alors pourquoi fallait-il qu'on s'en prenne à lui ? L'incompréhension le gagnait, il voulait savoir. Un nom, celui du coupable, celui de la proie à abattre. Il prit place sur la chaise, aux côtés du lit et il continuait à le contempler avec un petit sourire triste. Naturellement, sa min vint se glisser contre celle de l’alité et il la caressa doucereusement. « Ils vont le payer, j'te jure, ils vont morfler. » Des paroles en l'air, il se doutait qu'il ne l'entendait pas alors il préférait adresser ses phrases à lui-même. Il ne savait pas s'il pouvait se le permettre et pourtant, rien ne lui paraissait interdit. Declan déteignait sur lui, ou l'inverse. Échange de procédés. Il s'éleva afin d'apposer un léger baiser sur le front de son compagnon et impuissant, il continuait à le regarder,espérant qu'il puissant se réveiller, même pour un court instant.

Il était là, dans son fauteuil, mal en point. Je t'ai apporté des fleurs. Et des ballons. Jade le regardait, les joues roses, l’œil au beurre noir porté fièrement comme une médaille. Ils disent que je vais pas retrouver l'usage de mes jambes aussi vite qu'ils ne l'auraient espéré. Il resta sans mot dire, caché derrière les pégases roses et les hello kitties remplis d’hélium, puis au bout de quelques minutes où le silence était roi, il se lança. J'ai aussi du chocolat. Sur ces paroles, un sourire se dessina sur le visage albâtre de l'invalide. Ces deux là étaient inséparables, l'un savait tout sur l'autre et ils avaient découvert qu'ils partageaient pas mal de choses ensemble : comme par exemple, leur attirance pour les attributs virils. Bavardage qui, une fois répandu aux quatre coins du lycée, leur causa ces quelques bobos. Jade, au moins, n'avait pas été poussé dans les escaliers. Jade, il avait été accusé à tort d'avoir provoquer le massacre. Jade s'en voulait, de lui avoir tenu la main. Il se disait que c'était de sa faute, il culpabilisait parce que son père ne savait plus où se mettre après toute cette histoire. Mais il gardait le sourire, comme pour montrer qu'il en fallait plus pour l'atteindre, qu'il en fallait plus pour l'interdire d'être qui il est vraiment.

Même quatre ans après, l'atmosphère restait la même dans cette chambre d'hôpital. Les murs étouffaient, le ronflement des bidules médicaux était des plus agaçants. Rien dans la pièce ne pouvait rendre serein. Encore moins lorsqu'un jeune homme d'à peine vingt-et-un ans occupait un lit après s'être fait passer à tabac pour une paire de chaussures, des fringues, un sac surement plein de trésors ou tout simplement, parce qu'il avait une "tête de gay". Et tout ça lui rappelait les pires moments de son adolescence. Tout ça lui rappelait Spencer. Jake. et Nathan, son premier flirt. Mais ce n'est pas lui qui lui tenait la main en ce moment, mais bien Malo qui lui glissait quelques paroles amers entre de doux baisers.

Il espérait, là, assis à côté de Jade, qu'il ne se réveille, brusquement. Mais rien, pas une réaction, l'esquisse d'un sourire, le fragment d'un regard rempli de vitalité. Tout le monde s'écroulait alors et même temps que son cœur. Ba-boum ; ba-boum. Ma...Malo ?

Avec son petit air triste, il le contemplait. Son amour, sa moitié, son tout. Jade. Des gouttelettes continuaient à couler sur ses joues. Il entendit seulement les battements, la machine qui analysait les pulsations de son cœur. Stables et pourtant sans vie. Il savait qu'il devait le laisser ainsi, ne rien faire, seulement contempler la beauté de son corps inerte mais égoïste, il désirait beaucoup plus. Il va bien, il ira bien. Deux simples phrases qu'il pensa afin de s'accrocher et de ne pas perdre le contrôle. Et puis, il entendit le doux son de sa voix familière qui prononçait son prénom. Cette mélodie raviva la faible flamme présente dans les yeux de l'étudiant qui resta bouche bée, choqué, heureux aussi que le danseur parvienne à lui parler même avec difficulté. « Oui, c'est moi. Je suis là, tout va bien. » C'est ce qu'il fallait dire, c'est ce qu'il fallait croire, se laisser convaincre par ces mots. Mais la réalité était outre ; Jade s'était fait tabassé, il en avait payé le prix, tout ça à cause d'une stupide différence que tous devrait accepter. Parce qu'il était homosexuel, il avait été victime de sérieux coups qui auraient pu lui être fatal. Plongeant une main dans ses cheveux, il se contenta de les caresser, prononçant alors quelques mots comme une berceuse ; « Ne forces pas hein, reposes-toi, t'es beau, même quand tu dors. » Rassuré, il avait toujours un petit sourire, le fixant. Sa deuxième main vint se glisser naturellement contre celle du patient allongé.

Les minutes passèrent lentement, il regardait ces beaux yeux qui s'ouvraient lentement. Toute sa haine s'était envolée, ou alors ensevelie par la présence d'un Jade qui se portait bien. Sa présence lui avait manqué pendant ces deux jours, Malo s'était montré affaibli, n'ayant aucun moral, toutes ses pensées se dirigeant vers son amoureux hospitalisé. « Tu manques à tout le monde, tes partenaires de danse, ton père et moi aussi, surtout. » Il ne savait que dire, il voulait avoir la force de le guérir, de pouvoir lui souffler des mots doux et réconfortants. Et puis, il se décida à jouer sa propre carte, teintée sur l'humour ; « J'espère que tu guériras vite, parce qu'être avec toi, sous les draps, ça me manque. » Et puis, il y pensait. Il savait ce qu'il avait amené avec lui, la gameboy de Jade. Son jouet favori, addiction pure. Ce n'était pas aujourd'hui qu'il partirait mais au moins, il ne devait pas se morfondre dans l'ennui alors Malo s'empressa d'extirper la console de son sac afin de la poser sur la table de chevet.

Il était beau comme un ange, là, avec ses yeux constellés. Il veillait sur Jade avec le plus grand des soins, c'était son cœur qui avait été battu, qui ne battait plus assez fort. C'était son cœur qui l'appelait, murmurant. Soudain un déchirement dans sa poitrine, une émotion trop grande pour la pompe endommagée, qui s'agite. C'était sa voix qui changeait tout, ce son si doux qui l'avait manqué. Ces sept lettres qu'il croyait avoir perdues. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Voilà tout ce qui lui venait à l'esprit. Il ne pouvait penser à rien d'autre qu'à ses lèvres formant ces deux mots, les déposant au creux de son oreille.
C'est lui, il était bien là. Là, dans son malheur. Pour le soutenir, pour sentir son cœur palpiter, encore. Tant mieux. Il vivait, c'était l'essentiel. La mort guette toujours les plus faibles, les moins résistants. Jade l'était. Il savait à peine comment se défendre et ses pas de danse ne l'aidaient pas vraiment. Jade est une pierre précieuse, belle, envoûtante, mais très fragile. Malo, lui, était plus solide. Pourtant, des perles se formaient de ses yeux pour parcourir ses joues, lorsqu'il les posait sur le visage dévasté de Jade.

Des paroles rassurantes vinrent l'enchanter, tirer un sourire de ses lèvres déformées. Sa main, faiblement, serra celle de Malo. Tu manques à tout le monde, hein. C'était lui, son monde. Il l'aimait jusqu'à vingt mètres au dessus de la galaxie. Non, il l'aimait à l'infini. Il l'aimait tellement, il voulait le lui dire, par n'importe quels moyens, mais les mots capricieux peinaient à franchir la barrière de ses lèvres. Il rit et là, c'est un tambour qui remplaça son cœur. Ça ne faisait que lui rendre ses couleurs. Malo, c'est son remède, celui qui l'accroche à la vie. Enfin, le regard trouble de Jade se posa sur l'objet de collection que Malo sortit de sa poche. T'as même pensé à apporter ma console ? C'était à peine audible, sa voix n'était pas la même, elle aussi était abîmée. T'es l'mec le plus adorable de l'univers, tu l'sais ? Les phrases se libéraient, elles sortaient à présent spontanément. Mais tu veux savoir autre chose ? Doucement, Jade effleura les doigts de Malo. C'est toi, mon addiction... Un plus large sourire encore se dessina sur le visage de la jeune victime. Et je crois que je suis en manque.

Madame Drew ? Elle se noyait dans ses pleurs. Lui n'en pouvait plus devant un tel spectacle, il avait envie de tout détruire, de montrer à quel point ça l'enrageait. Mais il restait calme. Pas une seule larme. Pourtant, Nathan avait trouvé la mort, battu, encore une fois, devant un bar. C'était comme ça, un cauchemar pour lui, tous les jours. Parce qu'il n'était pas comme les autres, qu'il était comme lui : différent. Et tout son amour s'envole avec les cendres de Nate, laissant à jamais son cœur en ruines. J'ai apporté des fleurs.

Les machines se déchaînent, Jade se repositionnant, toujours une main dans celle de Malo. Tu m'as réparé.

Lentement, un léger sourire fier se dessina sur les lèvres de l'étudiant. Comme il l'avait prévu, il venait de retrouver cette petite flamme, envoûtante et enjouée, dans les yeux de Jade lorsqu'il fixa l'objet électronique. Le journaliste semblait avoir du mal à percevoir les mots qui sortaient faiblement de la bouche de son cher et tendre mais il comprit qu'il s'agissait sûrement de grands remerciements. Le mec le plus adorable de l'univers, inexorablement, les joues de Malo devinrent cramoisies, reflétant sa gêne face à cette douce flatterie. Le danseur avait toujours été doué pour les compliments et les flatteries et depuis le début de leur relation, l'étudiant n'avait pu montrer aucune résistance face à ses mots et au premier, il se soumettait, se complaisant dans cette situation. Hochant la tête positivement, Malo voulait en savoir plus, en entendre plus, continuer à entendre son dulciné parler, encore et encore et l'entendre dire qu'il était son addiction et que Jade était en manque le fondait de l'intérieur. Il ressentait cette chaleur, son corps qui se réchauffait, encore plus dans son bas-ventre et il ressentait soudainement cette petite excitation caractérielle, signe qu'il voulait s'unir à Jade. Il se remémora brièvement ses derniers moments dans son lit, en compagnie de Jade, à le toucher le caresser, l'embrasser, imbriquer son corps dans le sien. Un petit rire survint, faisant avouer Malo sur ses pensées ; « Je t'avoue que je suis en manque aussi. »

Une petite morsure à la lèvre inférieure un bref instant et le jeune homme regarda son propre portable. Le temps passait si vite et il avait l'impression de n’être qu'au début de son entrevue avec son amoureux, il aimerait gagner du temps. Dix minutes, ce n'était rien. Sûrement que quelqu'un viendrait, l'apercevrait et appellerait la sécurité pour le mettre dehors. Mais au moins, il l'avait vu et rien que pour ça, il ne regrettait pas son intrusion dans les couloirs de l’hôpital afin d'atteindre la chambre de sa victime. Continuant de caresser sa main, il lui souffla « T'es fort, en quelques jours, tu seras sur pieds. » Il croyait en lui, à sa résistance, à sa capacité de vive régénération. En soit, il l'espérait profondément. Pour son chéri, comme pour lui même. Il continuait à le fixer droit dans les yeux, à être envouté par ce charme qui le berçait nuit et jour et puis, sous l'impulsion, il approcha ses lèvres pour les sceller à celles de l’alité pour un long baiser, suave et sauvage, passionné et amoureux. « Je t'aime tellement. » déclara t-il, expirant profondément.